Mon île chérie, mes racines, mes couleurs, mes ancêtres et mon avenir

22 septembre 2006

Quand je serai grand

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Quand je serai grand, moi je voudrais être guide.
Oh, pas guide de haute montagne, là où ça caille à moins 30° quand on est à 2000 (mètres). Là où on s’entend pas, rien qu’à cause du blizzard.
Pas guide dans un musée non plus. Là où il fait plus + 30° quand on est à 2000 (personnes). Là où on s’entend pas, rien qu’à cause du monde.
Non, je voudrais être guide sur mon île.
Mais un guide spécial.
Un guide qui choisit ses clients.
Un guide qui parle un peu, fait parler beaucoup, qui aime et fait aimer.
Pas un moulin à parole monocorde qui attend que cinq heures arrivent pour compter les piécettes de bonus.
Je saurai faire admirer la cascade aux écrevisses, mais pas juste l’instant d’une photo. Le temps aussi d’enfiler un maillot pour glisser derrière le voile de brume qui cache de si beaux rochers capitonnés de mousse verte et mauve.
Les plus aguerris me suivront jusqu’à la première des trois Chutes du Carbet, là haut, sous 110 mètres de dénivelés d’un seul jet tiède et soufré.
On glissera doucement entre les Mamelles qui délimitent à ravir le versant montagneux de Basse-Terre d’avec la descente vers l’Anse Colas et Pointe-Noire.
Chacun comprendra pourquoi le sable de la plage de Malendure est noir de jais. Pourquoi l’îlet Pigeon est peuplé de « grands gousiers ». Où, quand et comment Colomb a débarqué, croyant découvrir les Indes, avant de pousser plus loin, aux Amériques. On saura les traces laissées par les Arawaks sur les Roches Gravées de Trois-Rivières. Je dirai l’histoire de la canne, des esclaves qui l’ont travaillée, des « habitations », toutes ruinées aujourd’hui. J’expliquerai la genèse du rhum du Père Labbat, le pourquoi de ces bananeraies splendides.
Je taillerai dans une branche de bois-caca pour faire « ressentir » la différence avec un bois-bandé ou un simple wacapou.
Je montrerai le figuier-étrangleur qui vit aux dépends de celui qui a le malheur de l’héberger.
A cinq heures le matin, en parlant de la canopée, je désignerai là bas l’envol d’ibis rouges au levant.
Sur la crique Moustique je ferai voir les morphos bleus et les planeurs grands comme la main qui virevoltent au gré des alizés.
Et l’on se contentera d’imaginer ce qui ne se dévoile qu’à la nuit tombée : crapauds-buffles au beuglement profond, jaguar au feulement doux, singes rouges au goitre hyper-développé et cigales électriques au sifflement strident.
Les nuits en hamac dans la forêt seront nos étapes 1000 étoiles sans supplément.
Nos pas nous mèneront vers le trou de madame Coco, celui du souffleur et jusqu’à la Porte d’Enfer, au pied de ces immenses falaises verticales qui tombent dans une eau bleu de méthylène.La Pointe des Châteaux aux fausses allures de Pointe du Raz balayée de vents du nord permettra une dernière vision grandiose des contrées traversées, et une baignade à Sainte-Anne caressera des peaux déjà cuivrées avant de devoir penser au retour vers un quotidien tout autre.
Oui, je serai guide sur mon île, je n’en doute pas.
Un jour.
Demain.
Aujourd’hui. La preuve…
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