Mon île chérie, mes racines, mes couleurs, mes ancêtres et mon avenir

22 septembre 2006

Pêche à Malendure

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Chouette ! Amédée m’a invité à une partie de pêche pour cet aprèm. J’adore ça la pêche. Oh, pas le truc où on se pose sur un pliant pendant cinq heures au bord d’un étang tranquille à attendre qu’un imbécile de têtard adulte attardé essaye de sauver l’asticot qui se noie au bout de la ligne, non. La pêche en mer, la vraie. Celle où ça bouge. Où les poissons ont leur chance. Et avec ce beau ciel bleu, ça va l’faire ! Qu’est-ce qu’il fait beau ! Je ne m’en lasserai jamais.
Je suis déjà sur le ponton du mini-port de Malendure, en face de l’îlet Pigeon. L’ami Amédée ne devrait plus tarder.
Bizarre qu’il m’ait donné rendez-vous ici, normalement la pêche est interdite dans le coin. Il y a une réserve aquatique naturelle sur 3 km de côte et au moins 1 km vers le large : la réserve Cousteau. Il y a des espèces rarissimes et splendides, paraît-il.
Mais Amédée doit savoir ce qu’il fait.
Là bas, ça y est, je reconnais son canot bleu.
Il accoste en douceur, saute sur les planches avec son éternel sourire éclatant, me tape dans le dos et me pousse dans l’embarcation sans ménagements.
Je le trouve bien exubérant. Encore plus que d’habitude.
On échange quelques plaisanteries puis je lui fais remarquer :
- Dis, elles sont où les lignes ? Et tes boîtes, ton attirail ?
- T’occupe, je t’ai préparé une surprise. Tais-toi, tu verras bien.
Bon, puisqu’il le prend comme ça.
Il a mis le cap vers l’îlet Pigeon en droite ligne. On dépasse quelques bateaux à fond de verre, pleins de touristes curieux.
L’eau est d’un bleu ! J’ai l’impression qu’en y plongeant la main, elle va en ressortir teintée !
C’est d’ailleurs ce que je fais parce que le soleil tape.
Amédée ralentit puis accoste son embarcation dans une petite anse cachée à l’arrière de l’îlet, face à la mer. On ne se croirait jamais à 500 mètres de Malendure !
Et c’est là que mon copain m’interpelle :
- Au fait Guy, t’as un maillot ?
- Un maillot ? On est venus pêcher non ?
- Ben non, en fait je vais te montrer les poissons, mais sous un angle que tu ne connais pas. Je sais que tu l’as jamais fait, mais on va plonger. Tiens, déshabille-toi et mets ce tuba. Je vais t’expliquer.
Tout en prononçant ces phrases, lui-même se retrouve nu comme un ver… Je sens que je frise le ridicule là. Le mieux est de jouer l’indifférence et rester naturel. Je fais donc pareil et il me dit juste de prendre une bonne respiration et de le suivre, de remonter respirer quand j’en ai envie, puis de redescendre.
Jamais fait ça moi ! Jamais osé ! Je ne me dégonfle pas et dès qu’il a sauté, je prends la suite.
Le silence s’établit après les dernières petites bulles sonores qui filent vers le haut, vers la lumière bleutée.
Nous avons changé de planète.
Je suis bon nageur, je ne connais pas de natifs qui ne le soient pas. C’est juste le souffle qu’il faut parvenir à réguler. Mais Amédée est expérimenté. Il m’entraîne vers les rochers les plus proches, guère plus de 1 mètre 50 de profondeur.
Déjà une myriade de poissons de toutes couleurs accourent à notre approche. Ils nous entourent, comme pour nous souhaiter la bienvenue.
Aucune répulsion à notre égard, au contraire, on dirait qu’ils sont attirés.
Finalement je comprends que c’est normal : nous sommes dans le volume de la réserve et jamais l’homme ne poursuit le poisson ici. D’où cette familiarité. Ca me fait tout drôle ça.
Nous sommes maintenant au beau milieu de centaines de spécimens dignes des plus riches aquariums du monde. Ma peau est chatouillée mille fois par les caresses de minuscules nageoires familières.
On croit parfois que la plongée sous-marine est un sport très individualiste. Pas du tout . En tout cas ici, aucun risque de ressentir la solitude !
Les adorables petites bestioles multicolores batifolent autour de nous avec une joie visible et mon Amédée a le sourire qui déborde du masque. Il va boire la tasse à rire comme ça !
Et moi je profite de l’instant. J’en oublie presque que mes branchies sont des bronches et qu’il leur faut leur dose d’air. Je file donc régulièrement vers le bleu lumineux du dessus et replonge aussitôt dans le bleu profond d’un monde tranquille.
Nous avons passé près de deux heures avec nos nouveaux amis.
Et Amédée a gagné son pari personnel : il a réussi à me persuader, sans dire un seul mot, que mon goût pour la pêche avait un côté barbare et gratuit que je devais abandonner. Mon écœurement à imaginer maintenant qu’on puisse attenter à l’existence de ces merveilles a atteint un point irréversible.
Et même si je reste assez pessimiste sur la pérennité de la protection de cette nature merveilleuse, je suis bien décidé à apporter dorénavant ma petite pierre à sa défense.
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