Mon île chérie, mes racines, mes couleurs, mes ancêtres et mon avenir

22 septembre 2006

Fleur

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Fait bon aujourd’hui. Au moins 27-28° à vue de pistil. Et juste humide comme il faut, avec des petits alizés légers. J’aime.
Le jardin est sympa, je suis contente d’être née ici. J’ai plein de copains-copines : bougainvilliers, roses de porcelaine, orchidées, héliconias, sans parler des fleurs du bananier et du frangipanier.
Ca sent bon et c’est calme.
On a même une vue imprenable sur la Soufrière. Toujours la tête dans les nuages celui-là.
Tiens, c’est Maya qui arrive, ou bien sa cousine, je sais jamais, je ne les reconnais jamais, elle se ressemblent toutes ces butineuses. Enfin, j’aime bien quand elles viennent me chatouiller tout au fond, ça me fait des choses. Et après je me sens soulagée, c’est fou. Il paraît même qu’elles vont préparer des desserts avec tout ce qu’elles récoltent.
Et aujourd’hui j’ai ce qui leur faut, je me sens toute gonflée. Ca me fera du bien un petit régime.
Ben oui, quoi, on a beau être un hibiscus royal, il faut savoir se tenir. Et la prestance ça se cultive.
L’autre jour j’écoutais une conversation entre la patronne et une de ses copines. Elles parlaient juste devant moi. Les deux femmes semblaient hésiter et parlaient de décoration pour le carnaval. Oui, on est en plein là. Et tout le monde cueille à tour de bras. Eh bien j’ai l’impression que ce jour là j’ai échappé à un truc terrible. Ca doit être de ça qu’on m’avait parlé toute petite, quand je rechignais à faire mes devoirs. Maman me disait souvent : « si tu continues tu finiras dans un vase ou sur un char derrière Vaval. Comme ton cousin ».
Finalement elle ont tourné le dos. Ouf !
Des fois je me demande si c’est pas mieux d’être un caillou au milieu du désert. Au moins il n’y a personne pour être tenté de s’emparer de toi. Le seul danger c’est un nomade qui aurait une gastro. Alors là, resterait plus qu’à prier pour qu’il ait des hémorroïdes…
Allez, tout compte fait je crois que je suis mieux en hibiscus flamboyant.
Quoique… j’aurais parlé trop vite ? La voilà qui vient vers moi, la patronne. Qu’est-ce qu’elle tient derrière son dos ??
« Clic »
Eh ?! J’ai rien senti ! Elle m’a sectionné la tige et j’ai rien senti du tout !! Elle est bien bonne. Bon, ça va, enlève ton sale nez de là quoi ! Elle me fourre son pif dans la corolle cette mémère ! Elle est ravagée, c’est dégoûtant !
Elle va dans le séjour et me plante dans un soliflore en cristal plein d’eau froide. Ouch, c’est gelé !
Eh, dis, je vais rester longtemps comme ça maintenant ?
J’ai l’impression que le destin a frappé. En pleine force de l’âge, ma vie va s’éteindre tout doucement, là, sur la table du salon. Pour le plaisir d’humains sans cœur. Comme si on n’était pas mieux dans la nature. Quelle tristesse. A tout prendre j’aurais préféré finir en beauté sur un char de carnaval ou au cou d’une danseuse de zouk, m’enivrer de musique, d’odeurs, de danses et de fumées.
Tandis que là…
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